vendredi 24 janvier 2014

Funérailles du soleil



Le Soleil assassiné nous conte l'histoire vraie de Jean Sénac, poète pied-noir qui a voulu, au sein d'un pays en pleine mutation dictatoriale, parler librement, écrire comme un feu qui ne veut pas s'éteindre.
Notoirement connu pour son attirance envers les hommes, peu d'éléments plaidaient en sa faveur sur une terre qui voyait repousser les racines pourries du fanatisme religieux.

Autour de ce personnage ardent, se sont réunis de jeunes adolescents en quête d'écriture. Mais écrire encore en français, au début des années 70 – dans un pays qui avait reconquis sa liberté face à la France coloniale –, c'était en quelque sorte tracer des signes tout emplis de sang ; signer son arrêt de mort.

Tous les acteurs y sont excellents et Charles Berling y incarne un "homme révolté" (pour reprendre le titre d'un très beau livre d'Albert Camus). Un homme qui, après avoir combattu aux côtés du FLN afin que l'Algérie accède à l'indépendance, est renié par ceux-là mêmes auxquels il prêta main-forte au plein coeur de la bataille ; car son souhait le plus vif était de pouvoir ériger le socle d'une nouvelle poésie algérienne – sans pour cela en exclure la langue française.

Dans la chambre d'un sous-sol miteux où Jean Sénac se cache de ceux qui pourraient lui nuire, une feuille est placardée sur un mur. On y peut lire ces mots d'Antonin Artaud :

"Et en guise de choix d'un corps, je dis merde à tout et je m'endors."

Artaud, l'autre prophète du soleil qui conta, dans le petit livre admirable qu'est Héliogabale ou l’Anarchiste couronné, l'histoire terrible du jeune empereur romain Héliogabale, qui vouait un culte au Sol Invictus, au Soleil Invaincu. Ce jeune empereur romain, pour diverses raisons, fut mis à mort par la plèbe romaine.
Artaud, dans ces pages brûlantes, y a cette formule lapidaire : "La poésie c'est de la multiplicité broyée et qui rend des flammes."

Dans le jardin de la poésie, on n'étouffe pas la lumière : cette lumière teintée d'ombres, ce chant du coeur insoumis.
Avec ce beau film, il faut espérer que le combat de Jean Sénac ne soit pas oublié.

Dans les dernières images, on voit l'un de ses jeunes amis algériens, écrire le début d'un poème :

"Un jour eux aussi auront peur,
Parce que la liberté les guette,
Parce qu'on ne peut pas assassiner le soleil."


© Thibault Marconnet

07/04/2013




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