jeudi 27 février 2014

Sonoko ou La Madeleine retrouvée




La Débutante de Sonoko est un patchwork savoureux. Dessous son kimono fleuri, se mêlent Shakespeare, Polnareff, Brigitte Bardot, David Lynch, Nijinsky et tant d'autres. Cet album est comme une douce sucrerie japonaise que l'on ouvre délicatement, une sorte de Madeleine de Proust en forme de kashiwa-moshi (un gâteau japonais à base de pâte de riz).

Il y a dans cette œuvre atypique comme un parfum d'enfance retrouvée.
Le voyage est plein de promesses. Des images défilent dans la tête comme sur un écran de cinéma, des scènes de films divers : Le Château de l’Araignée de Akira Kurosawa ; Les Contes de la lune vague après la pluie de Kenji Mizoguchi ; La Ballade de Narayama de Shôhei Imamura ; Dolls et Hana-Bi de Takeshi Kitano ; Princesse Mononoké et Le Voyage de Chihiro de Miyazaki ; ou encore Eraserhead de David Lynch, etc.

Comme une flottaison de nuages, s'élèvent dans l'esprit des réminiscences de lecture : Pays de neige de Yasunari Kawabata ; Eloge de l'ombre, Le Meurtre d'O-Tsuya ou encore Histoire secrète du sire de Musashi de Junichirô Tanizaki.

La Débutante, quoiqu'on en dise, sait se montrer très experte pour réveiller l’esprit d’enfance qui sommeille en nous. Cet album est une sucrerie aigre-douce : derrière la douceur, on sent perler toute une mélancolie qui serre le cœur.

Comment malgré tout ne pas être aux anges avec Sonoko ? Je l'imagine parée en geisha dans un jardin aux senteurs florales ; en ombre "japonaise" derrière un shôji, ces fameuses parois translucides qui filtrent subtilement la lumière ; ou bien assise à l'ombre délicate d'un cerisier.

Sonoko est une sorte de geisha moderne dont les instruments électroniques auraient remplacé le fameux shamisen.
A l'écoute de ces berceuses douce-amère, c'est une porte qui s'ouvre sur le "monde des fleurs et des saules pleureurs".

Adieu l'hiver, voici le printemps qui s'annonce plus tôt que prévu. Un entêtant parfum monte des fleurs qui poussent comme de jeunes filles ; déjà pruniers et cerisiers s’habillent de dentelle rose et blanche.


Thibault Marconnet

27/02/2014


Kitagawa Utamaro, Ase o fuku onna (Femme essuyant la sueur de son visage), 1798

4 commentaires:

  1. Ca en fait une belle chronique également...bravo!

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  2. Il va falloir que je m'y replonge car, à la première écoute, je n'ai pas vraiment entendu tout ça!

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  3. «Le monde des fleurs et des saules.» Voila le genre de détails relevés qui me plaisent. J'aime ce billet. Merci.

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  4. C' est là où je prends encore mon billet pour le bal des casse-pieds, je goûte le charme subtil des estampes mais cette culture japonaise me semble aussi cruelle que Sade dont il était question récemment sur ton blog, pour une fois je rejoins Amelie Nothomb, à part le fantasme occidental, la Japonaise me semble une victime non consentante du perfectionnisme outrancier.

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