mardi 4 mars 2014

Mort & Cie (Sylvia Plath)


Léon Spilliaert, La nuit



Deux, bien sûr, ils sont deux.
Ça paraît tout à fait évident maintenant –
Il y a celui qui ne lève jamais la tête,
L’œil comme une œuvre de Blake,
Et affiche

Les taches de naissance qui sont sa marque de fabrique –
La cicatrice d’eau bouillante,
Le nu
Vert-de-gris du condor.
Je suis un morceau de viande rouge. Son bec

Claque à côté : ce n’est pas cette fois qu’il m’aura.
Il me dit que je ne sais pas photographier.
Il me dit que les bébés sont tellement
Mignons à voir dans leur glacière
D’hôpital : une simple

Collerette,
Et leur habit funèbre
Aux cannelures helléniques,
Et leurs deux petits pieds.
Il ne sourit pas, il ne fume pas.

L’autre si,
Avec sa longue chevelure trompeuse
Salaud
Qui masturbe un rayon lumineux,
Qui veut qu’on l’aime à tout prix.

Je ne bronche pas.
Le givre crée une fleur,
La rosée une étoile,
La cloche funèbre,
La cloche funèbre.

Quelqu’un quelque part est foutu.


Odilon Redon, Le Monstre



© Sylvia Plath

(in Ariel, p. 45-46)

Odilon Redon, La mort d'Ophélie, 1905



Sylvia Plath, 1953

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