jeudi 11 septembre 2014

Nostalgie de l'Éden maternel

Edward Hopper, Sunday, 1926




La nostalgie d'une espèce de “Paradis perdu” – topos que l'on retrouve dans mainte religion ainsi que chez la plupart des grands poètes –, n'est-elle pas tout simplement comme un écho de la rupture première avec notre propre mère quand, petits radeaux de chair, nous avons été expulsés hors de ses eaux pour échouer à la lumière du jour couleur de sable. Jamais plus, par la suite, nous ne pourrons être dans une telle proximité ; jamais plus nous ne connaîtrons une aussi grande intimité avec qui que ce soit – comme nous le fûmes en notre mère. Je sais qui est “Dieu”. C'est notre mère, c'est toutes les mères. Tout le reste n'est que foutaises saint-sulpiciennes : de piteuses bondieuseries d'hommes qui ont peur à en crever mais n'osent pas se le dire en face, se le gueuler bien haut et bien franchement. On va à la femme pour se chialer dans son ventre et libérer en elle la peur de cet ancestral bannissement qui toujours nous tient étroitement garrotés. Puisque nous ne pouvons plus retrouver à nouveau l'Éden maternel, nous avons inventé Dieu. Et Dieu est un “père” qui sème son grain de sel pour aider la terre à fructifier. Ni plus ni moins. Ah... père toujours si lointain dans ton absence, dans ta tour d'ivoire ; toi le père bien Trop-Haut, ce qui te ronge c'est de ne pouvoir enfanter. Contente-toi donc d'être simple mortel en mal d'Infini. Et laisse à la mère (donc à “Dieu”) ce secret de vie et de mort qu'elle porte en elle tranquillement – et sans la vaine prétention de croire qu’elle le sait.


© Thibault Marconnet

11/08/2014



Camille Corot, Une matinée. La danse des nymphes, 1850-1875

2 commentaires:

  1. Très joli texte. Sans avoir forcément quelque chose à y ajouter (c'est donc qu'il est bon) il va me permettre de nourrir ma réflexion.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Merci beaucoup, cher El Norton, pour ce chaleureux commentaire ! C'est une réflexion qui m'habite depuis quelques temps déjà mais auparavant je n'osais l'aborder de plein front : je ne faisais que tourner autour. Puis vint un moment où il m'a fallu parler au plus près de mon ressenti pour ne plus me mentir à moi-même - et pour entrer en concordance avec mon être le plus intime. Si ce texte peut alimenter certaines de tes réflexions, j'en suis très heureux.

      Supprimer